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Victor Louis, Hall du Grand-Théâtre ©Julien Fernandez

Histoire

Du Grand-Théâtre

à propos

Depuis plus de deux siècles, l'histoire du Grand-Théâtre de Bordeaux s'écrit au rythme des événements qui ponctuent son existence.

Le premier d'entre eux a lieu le 7 avril 1780, il s'agit de l'inauguration tant attendue du théâtre. Une foule immense se bouscule devant les portes du nouveau bâtiment. Certes, on vient assister à Athalie de Racine et au Jugement d'Apollon de Blincourt mais on vient surtout admirer la construction. Près de sept longues années se sont écoulées depuis le commencement des travaux commandés par le Gouverneur de Guyenne, Louis Armand du Plessis, duc de Richelieu. Le résultat est au rendez-vous. Là, sous les yeux du public, se dresse une véritable merveille. L'architecte Victor Louis a usé de tout son talent pour offrir harmonie, raffinement, sobriété, puissance, pureté, élégance, noblesse d'ordonnance à son œuvre... On ne tarit pas d'éloges, aujourd'hui encore, sur ce bâtiment qui demeure un véritable chef-d'œuvre de l'art architectural du XVIIIe siècle. À la valeur esthétique de l'ouvrage s'ajoute l'acoustique exceptionnelle de la salle due à la carcasse de bois qui l'enveloppe.

Mais le Grand-Théâtre ne se résume pas, tant s'en faut, à la réussite du travail de Victor Louis.

Au XIXe siècle, il accueille les artistes les plus célèbres : Liszt, Cinti-Damoreau, Falcon, Viardot, Talma, Nourrit, Duprez, Rubini, Petipa... Le temps passe mais les grands noms — Fédor Chaliapine, Tito Schipa, ou, plus récemment, Placido Domingo, Gustav Lehonardt, Natalie Dessay, Cecilia Bartoli — viennent toujours séduire le public bordelais.

De plus, de multiples œuvres lyriques sont créées sur cette scène — dont La Main de gloire de Jean Françaix en 1950, Sampiero Corso de Tomasi en 1956 ou le très récent opéra de Fénelon Les Rois en 2004 —, sans oublier les ballets depuis La Fille mal gardée de Jean Dauberval (1789) au Don Quichotte (2006) de Charles Jude en passant par Hydrogen Jukebox de Carolyn Carlson (1999).

Les années 1990 et 1991 marquent un véritable tournant dans l'histoire du théâtre : afin d'effacer l'outrage des ans et de permettre une adaptation aux exigences de la scénographie moderne, de vastes travaux de restauration sont réalisés avec un respect constant de l'âme du bâtiment. Une transformation touche la salle de spectacle. Pour plus de clarté et d'éclat, l'habillage vieil or et rouge qu'avait imposé le XIXe siècle disparaît, remplacé par le décor d'origine où se mêlent bleu, blanc et or. Les récents ravalements de façades (achevés en 2006) ajoutent à l’éclat du chef-d’œuvre de Louis.

Mais cette renaissance n'a rien d'un retour nostalgique vers le passé. Au contraire. Avec chaque nouveau spectacle c'est l'histoire de ce lieu magique qui, pas à pas, se construit.

Aujourd'hui, dirigé par Emmanuel Hondré, le Grand-Théâtre poursuit une activité artistique toujours plus ambitieuse et demeure plus que jamais tourné vers l'avenir.

C’est le 7 avril 1780 qu’est inauguré le Grand-Théâtre, chef-d’œuvre de l’architecte Victor Louis. Près de sept années se sont écoulées depuis le commencement des travaux commandés par le Gouverneur de Guyenne, Louis Armand du Plessis, duc de Richelieu. Là, sous les yeux du public, se dresse un véritable « temple des arts » d’inspiration néo-classique. À la valeur esthétique de l'ouvrage s'ajoute l'acoustique exceptionnelle de la salle de spectacle due à la carcasse de bois qui l'enveloppe.

Le Grand-Théâtre présente en vue frontale un portique de 12 colonnes corinthiennes au-dessus desquelles sont alignées 12 statues : les 9 muses et 3 déesses de la mythologie antique, ainsi positionnées (de gauche à droite) : Euterpe (musique), Uranie (astronomie), Vénus (déesse de l’amour), Calliope (poésie épique et éloquence), Terpsichore (danse), Melpomène (tragédie), Thalie (comédie), Polymnie (rhétorique), Junon (déesse de la fécondité), Minerve (déesse de la guerre), Erato (poésie lyrique) et Clio (histoire). Ces sculptures ont été imaginées par Pierre Berruer.

Il en réalisa quatre lui-même et laissa à son assistant Van den Drix le soin de sculpter les 8 autres à partir de ses modèles.

A la fin du XVIIIe siècle, aucun escalier extérieur ne précédait l’entrée dans le bâtiment car le niveau de la place de la Comédie était plus élevé qu’aujourd’hui. C’est en 1848 que d’importants travaux d’abaissement de la place sont entrepris entraînant la création de l’emmarchement du portique.

La façade du Grand-Théâtre

La façade du Grand-Théâtre par Caroline Notari

Dès les portes du Grand-Théâtre franchies, on pénètre dans un large vestibule orné de 16 colonnes doriques soutenant une voûte plate à caissons et rosaces. 5 arcades permettent d’accéder au grand escalier. Si celui-ci emmène évidemment le spectateur en direction des loges, sa largeur considérable, ses rampes basses et sa division en deux volées latérales lui confèrent une fonction notable : mettre en scène l’aristocratie, laquelle se devait d’être vue. Un peu moins d’un siècle plus tard, cet escalier inspirera Charles Garnier pour le dessin de celui de l’Opéra de Paris. La porte d’apparat devant laquelle l’escalier se divise laisse admirer deux merveilleuses cariatides sculptées par Berruer : Thalie et Melpomène, muses de la comédie et de la tragédie.

 

Le grand escalier du Grand-Théâtre est visible en entrée libre

grand escalier GTB by julien fernandez

Habillée de bleu, de blanc et d’or — couleurs de la royauté — la salle de spectacle pouvait accueillir à la fin du XVIIIe siècle 1700 spectateurs, capacité sensiblement supérieure aux possibilités actuelles, soit 1114 places. Cela s’explique par le fait qu’il existait à cette époque un amphithéâtre fixé à la première galerie et descendant jusqu’au sol de la salle. La zone située entre le pied de cet amphithéâtre et l’actuelle fosse d’orchestre accueillait des spectateurs assistant aux représentations debout. L’installation de fauteuils dans cet espace au début du XIXe siècle réduisit de manière considérable la capacité de la salle. Afin de combler ce déficit aux conséquences financières notables, il fut décidé de creuser les fonds de loges de face dans le but d’installer des sièges supplémentaires.

Souhaitant un bâtiment moderne et donc confortable, l’architecte Victor Louis avait imaginé un éclairage épargnant aux spectateurs du parterre quelques désagréments. De fait, les lustres présents dans de nombreux théâtres soutenaient des bougies, lesquelles voyaient leur cire se liquéfier et tomber sur la tête des malheureux qui se trouvaient au-dessous… La salle du Grand-Théâtre allait donc être éclairée autrement : déposées sur la corniche de la coupole, des centaines de bougies, assistées de girandoles fixées sur les colonnes cannelées situées entre les corbeilles, illuminaient la salle. La légère circulation d’air faisait trembler les flammes. Les ors scintillaient et les ombres portées mouvantes offraient aux yeux un spectacle vivant. Au gré des décennies, les techniques évoluèrent. Ainsi les bougies furent-elles remplacées par les lampes à huile de poisson, puis par l’éclairage au gaz avant que l’électricité ne s’impose. C’est en 1917 que fut installé le lustre actuel. D’un poids de 1,2 tonnes, il est constitué de cristaux de Bohème et riche de 400 lampes.

C’est au peintre Jean-Baptiste Robin que fut confié, à la fin du XVIIIe siècle, le soin d’orner la coupole de la salle de spectacle. Le thème retenu par l’artiste fut « Apollon et les muses agréent la dédicace d’un temple élevé par la ville de Bordeaux ». L’œuvre est un triple hommage, à la fois allégorique et réaliste, aux arts, aux artisans ayant bâti le théâtre (on distingue des tailleurs de pierre et l’angle sud-ouest du bâtiment) et à la ville de Bordeaux (les scènes du port témoignent tant de l’activité de la ville que de sa richesse). L’éclairage originel de la salle provoqua la détérioration de la peinture. De fait, vers 1798, les fumées avaient impitoyablement noirci l’œuvre de Robin qui dut être remplacée. Divers peintres se succédèrent au fil des ans pour offrir le fruit de leur inspiration à la coupole jusqu’à ce qu’en 1917 Maurice Roganeau exécute une fidèle reproduction de la peinture originale. C’est celle que nous pouvons admirer aujourd’hui.

À la fin du XVIIIe siècle, le Grand-Théâtre abrite près d’une centaine d’artistes de toutes disciplines et offre un répertoire extrêmement étendu. Aujourd’hui, placé sous la direction de Emmanuel Hondré, l’Opéra National de Bordeaux — qui propose sur cette scène la majeure partie de sa programmation — compte une équipe d’artistes permanents plus vaste encore : aux 120 musiciens de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine s’ajoutent les 40 danseurs du Ballet et les 40 artistes du Chœur de l’Opéra National de Bordeaux sans oublier les peintres, sculpteurs ou couturiers des Ateliers de décors, de costumes, d'accessoires...

Au cours de sa vaste histoire mêlant représentations théâtrales, opéras et concerts, le Grand-Théâtre accueille, du XVIIIe au XXIe siècle, les artistes les plus célèbres. Les ouvrages interprétés suivent l’évolution des goûts du public et la sensibilité du temps.

Avec le concours régulier de la formation connue aujourd’hui sous le nom d’Orchestre National Bordeaux Aquitaine (ONBA), le Grand-Théâtre est le temple privilégié de la musique. De multiples concerts symphoniques et opéras y sont donnés sous la direction de chefs prestigieux tels Sir Thomas Beecham, Hans Knappertsbuch, et plus récemment Alain Lombard, Kwamé Ryan et Paul Daniel (actuel Directeur artistique et musical de l’ONBA). Divers récitals fameux sont également donnés (le violoniste Kreutzer en 1795, Franz Liszt en 1845, le claveciniste Gustav Leonhardt en 1997) et de passionnants ouvrages lyriques sont créés (La Main de gloire de Jean Françaix le 7 mai 1950, Sampiero Corso de Henri Tomasi le 6 mai 1956, Les Rois de Philippe Fénelon le 23 mai 2004). L’opéra y est servi par d’illustres voix : le baryton Martin, Adolphe Nourrit, Gilbert-Louis Duprez, Laure Cinti-Damoreau, Fédor Chaliapine, Régine Crespin… jusqu’aux récentes prestations de Plácido Domingo (1996), Natalie Dessay (1999) ou Cecilia Bartoli (2010).

Parmi les grandes heures de la programmation théâtrale, citons le passage du fameux acteur Talma qui interprète Henry VIII ou La Mort d’Anne Boleyn de Marie-Joseph Chénier le 14 octobre 1804. Quelques temps après, un fameux soir de 1828, c’est la muse de Berlioz, la comédienne anglaise Harriet Smithson, qui se produit dans Hamlet et Romeo and Juliet. Si les représentations théâtrales se raréfient au XXe siècle, le public bordelais peut assister à la venue de la Comédie française (Les Fourberies de Scapin, 1998) ou de L’Illustre Théâtre de Jean-Marie Villégier (Tartuffe, 1999).

L’histoire artistique du Grand-Théâtre ne saurait être évoquée sans souligner l’idylle véritable qui le lie depuis toujours à la danse. Deux hommes participèrent à l’instauration d’une légende du ballet à Bordeaux : Jean Dauberval (qui donne naissance sur cette scène à de nombreux ballets dont La Fille mal gardée en 1789) et Marius Petipa qui fut nommé « Second premier danseur en tous genres » en 1844 et créa ses premiers ouvrages. Depuis, la tradition chorégraphique se perpétue. Arrivé à la tête du Ballet de l’Opéra National de Bordeaux en 1996, le danseur étoile Charles Jude a développé le répertoire de la compagnie qui propose aujourd’hui des chorégraphies classiques et néo-classiques ainsi que des œuvres contemporaines.