Autrice de spectacles et de films, directrice musicale du Traffic Quintet, cheffe d’orchestre, Solrey est une artiste qui a besoin de la création sous toutes ses formes pour prolonger et nourrir sa propre vision du monde. Portrait d’un regard.
Violon et cinéma
Du Caen de son enfance, il reste ce nom, Dominique Lemonnier auquel elle préférera celui de Solrey, clin d’œil aux 2 notes de musique, ainsi que quelques souvenirs gris traversés par les couleurs des films, ceux qu’elle découvre au cinéma d’art et d’essai de la ville. Pourtant, c’est la musique qui sera son premier langage, peut-être parce que le violon qu’on lui met entre les mains à 6 ans semble sonner tout seul. Tout va alors très vite après ses études à Caen, elle recoit à Paris l’enseignement de Pierre Doukan, puis aux États-Unis celui du virtuose Henri Temianka, mais aussi à l'Académie Chigiana de Sienne avec Salvatore Accardo, et à l'Académie de Bâle avec Jaap Schröder.
Forte de cet enseignement croisé de différentes écoles violonistiques elle construit une interprétation très personnelle qu’elle partagera plus tard avec son ensemble.
D’autres horizons
Une carrière de musicienne se dessine au sein d’ensembles comme le Philharmonique de Radio France, l’Ensemble Instrumental de Lausanne ou encore l’Ensemble Mosaïque et des ensembles comme 2E2M. Pourtant, Solrey est attirée par d’autres univers. “Ça m’interrogeait de me limiter à un répertoire qui avait deux ou trois siècles, j’avais besoin de contemporanéité. Je préfère les rhizomes aux racines profondes”.
Nourrie par cette philosophie qu’elle rencontre à l’adolescence, Solrey préfère aux débordements romantiques une modernité existentielle et politique qui ne connaît pas de frontières : pour elle la musique de film côtoie celle de Dusapin, du jazz, des transcriptions, du baroque, le cinéma rencontre les arts plastiques.
Le Traffic Quintet
En 2005 elle fonde le Traffic Quintet, détournant le quatuor classique en lui ajoutant une contrebasse, brisant également une hiérarchie étouffante. La formation impose rapidement son esthétique : rencontre entre la pureté du son baroque, découvert auprès de Christophe Coin, et des modes de jeu issus du tango, de la musique tzigane ou contemporaine. “J’ai une vision très précise pour le Traffic Quintet, un son à part, sans vibrato ni exagération. Ce que j’entends c’est une forme de retenue, un minimalisme sans froideur”.
Rapidement l’ensemble enregistre pour le cinéma, collaborant notamment avec Alexandre Desplat pour « Fantastic Mr Fox », « Lust Caution », « Un héros très discret » et se produit en concert (Festival de Cannes, Villa Médicis et Festival de Ravello, Florence Gould Hall, Cité de la Musique, Théâtre des Bouffes du Nord, Filharmonia Łódzka, Musée d’Orsay et Seine Musicale
…).
Un regard
En 2010 une opération au cerveau la prive de contrôle sur sa main gauche, mettant un terme à sa carrière de violoniste mais ouvrant un nouveau chemin vers la création et la direction d’orchestre. Se consacrant désormais toute entière à sa vision artistique, Solrey, réalise plusieurs films pour Arte autour du pianiste Alain Planès, des vidéos pour Piotr Anderszewski et cosigne le livret de l’opéra « En Silence » signé par AD et qu’elle mettra en scène en 2019.
En 2015 elle reprend le Traffic Quintet non plus en tant que musicienne dirigeant du violon mais à la direction qu’elle étudie depuis. Elle commence à diriger les partitions d’Alexandre Desplat, en
séance d’enregistrement et en concerts (Orchestre symphonique de Bergen en Norvège). Petit à petit, elle dirige le répertoire pensé et construit pour le Traffic Quintet avec des orchestres à cordes (Orchestre des Pays de Savoie) et dirigera en octobre prochain le ballet d’Alan Lucien à l’Opera d’Oslo.
“Ce sont des formes différentes mais pour moi c’est toujours la même recherche : essayer de représenter une pensée musicale.” Aujourd’hui, Solrey assume un regard hybride où l’image se fait rythme et où la musique nous parle de couleurs, cherchant dans les spectacles qu’elle compose ce point de bascule entre narration et abstraction.